Un an vient de fuir, un antre commence…
Penseurs érudits, raisonneurs subtils,
Vous qui disséquez la nature immense,
Ces ans qui s’en vont, dites, où vont-ils ? —
Ils vont où s’en va tout ce qui s’effondre ;
Où vont nos destins à peine aperçus ;
Dans l’abîme abrupt où vont se confondre
Avec nos bonheurs nos espoirs déçus ;
Ils vont où s’en va la vaine fumée
De tous nos projets de gloire et d’amour ;
Où va le géant, où va le pygmée,
L’arbre centenaire et la fleur d’un jour ;
Où vont nos sanglots et nos chants de fête,
Où vont jeunes fronts et chefs tremblotants,
Où va le zéphyr, où va la tempête,
Où vont nos hivers, où vont nos printemps !…
Temps ! Eternité ! mystère insondable !
Tout courbe le front devant vos grandeurs,
Problème effrayant, gouffre inabordable,
Quel œil peut plonger dans vos profondeurs ?
Atomes sans nom perdu dans l’espace,
Nous roulons sans cesse eu flots inconstants ;
Seul le Créateur, devant qui tout passe,
Immuable, plane au-dessus des temps.